Quand on va voir un film en noir et blanc
tourné par un réalisateur japonais plutôt confidentiel, on ne s'attend
pas à être troublé. C'est pourtant mon sentiment dominant à la sortie du
Voyage à Tokyo. Ce qui est troublant, c'est :
- Le décalage entre les visages et les
sentiments. Le grand-père, Shukichi, n'est pas impassible mais est tout
en retenue, quels que soient les évènements. Sa femme, Tomi, garde un
visage triste, même dans les moments de joie. Noriko, leur belle-fille,
sourit en permanence mais exprime tout une gamme de sentiments, où la
tristesse domine.
- La pertinence des questions posées sur les
relations entre enfants adultes et leurs parents, au Japon comme en
France, il y a 60 ans comme aujourd'hui. Les parents ne doivent-ils pas
accepter que leurs enfants aient affectivement de moins en moins besoin
d'eux ? Peuvent-ils éviter de projeter leur désir de progression sociale
sur leurs enfants ? Comment les enfants peuvent-ils vivre leur vie,
travailler, créer une famille, mais sans négliger leurs parents qui
vieillissent et qui les quitteront un jour ? Comment gérer l'éclatement
géographique inévitable des familles ?
- Le soin méticuleux apporté aux plans,
tournés essentiellement à l'intérieur. Le lieu de l'action est exigu, il
est ouvert sur les côtés comme une scène de théâtre, mais surtout, il
est prolongé en arrière-plan par une succession infinie de murs
transparents, fenêtres, rideaux, cadres, qui font que le lieu de
l'action n'est jamais clos. Les dialogues et discussions familiales sont
donc à la fois intimes et accessibles, potentiellement ouvertes à tous.
- La modernité de la narration, qui nous
laisse le soin de découvrir et de comprendre tout au long du film qui
sont les personnages et quels sont les enjeux de ce voyage à Tokyo.
Film de Yasujirô Ozu sorti en 1953.
Ma note : 3/4 (très bien).
Voir aussi : Films vus en 2013.
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